Amélie Dumont : Font et codages textiles
Amélie Dumont est designer graphique, typographe et développeuse. Elle est formée en écoles d’art (école Estienne à Paris, ENSAV La Cambre à Bruxelles) au design graphique
et au dessin de caractères. Vers la fin de ses études, elle s’est mise à utiliser des outils libres et open source et la pratique du code a pris une place importante dans son travail.
Cela lui a permis de s’affranchir des limites imposées par les outils propriétaires enseignés dans les écoles et même de créer ses propres outils. En parallèle, Amélie développe depuis
une dizaine d’années une pratique personnelle dans le domaine textile : elle coud, tricote, crochète. Elle s’intéresse ainsi naturellement aux machines numériques avec lesquelles elle pourrait travailler le textile. La résidence a donc été l’occasion de faire se rencontrer deux domaines de prédilection d’Amélie : le textile et la typographie.

Premières gammes sur Inkstitch pour tester les possibilités du point de satin.
Elle explore les moyens de penser et concevoir la typographie pour les machines à tricoter et la brodeuse numérique du fablab.
Ces machines, découvertes lors de workshops à Green Fabric, ont été le point de départ de sa réflexion. D’un côté, pour la broderie, on travaille avec des fichiers vectoriels ; de l’autre, pour le tricot machine (avec une machine à tricoter hackée), on utilise des images bitmaps en pixels. Et il se trouve que ces deux approches sont aussi deux manières différentes de penser le dessin de caractères typographiques. Le fond de la recherche était donc d’explorer avec quels outils et par quels moyens on pouvait créer des typographies influencées par les caractéristiques de ces deux machines. C’est aussi grâce à la vision de Green Fabric sur les outils numériques et les machines que cette recherche a pu voir le jour : les machines du fablab s’utilisent avec des outils libres et open source et sont compatibles avec des formats de fichiers standard. Sans cela, les expérimentations n’auraient pas pu aller aussi loin qu’elles ne l’ont été.

Fonte cursive programmée via Turtlestitch. Broderie machine.
Dans les recherches de broderie numérique, Amélie a pris le parti de traiter le dessin des caractères par un tracé central (stroke fonts). La machine à broder a alors un rôle comparable à celui d’un plotter ou d’un stylo, qui dessinerait des caractères par leur tracé central, mais avec du fil sur du tissu. Ce processus a mené la designer à expérimenter avec des outils comme Inkscape et son extension pour la broderie InkStitch. Mais en tant que développeuse, Amélie a aussi exploré un côté programmatique via la librairie PEmbroider de Processing, ou encore TurtleStitch, dans lequel elle a commencé à développer un programme d’écriture cursive pour la broderie.
Le tricot avec une machine hackée imposait une tout autre contrainte : le nombre de mailles d’un tricot correspond au nombre de pixels de l’image qu’on veut tricoter. Elle a utilisé LibreOffice Calc (un tableur) et des scripts Python pour travailler avec des cases correspondant aux mailles du tricot. Elle a fini par développer un petit outil web lui permettant
de composer du texte à partir de caractères préalablement dessinés dans LibreOffice Calc. Cette interface lui a permis de composer des citations de textes à propos des outils numériques, destinés à être tricotés sur la machine via le logiciel Ayab.

Utilisation de LibreOffice Calc pour créer des caractères typographiques sous forme de pixels pour la machine à tricoter.
Bien que de nombreuses pistes explorées lors de cette résidence soient encore à l’état d’expérimentations, le projet continue d’évoluer. Amélie a par la suite été contactée dans le cadre d’un projet de publication sur des femmes artistes travaillant le textile. Elle y crée des pages de titrage brodées avec l’écriture cursive programmée dans Turtle Stitch pendant la résidence. La designer continue aussi de dessiner de nouveaux caractères en pixels pour son outil de composition de texte pour le tricot numérique, tout en l’améliorant au fur et à mesure.

Citation de l’article « L’utilisateur Turing- complet » d’Olia Lialina. Typographie dessinée dans LibreOffice Calc. Tricoté sur machine hackée.
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